
Les carburateurs sont depuis longtemps indissociables du monde de la motoneige. Qu’il s’agisse des carbus à papillon que nous connaissons de notre jeunesse ou des dernières versions à glissière plates, ceux-ci ont bien servi l’industrie de la motoneige pendant de nombreuses années.
C’est au début des années 1990 que l'industrie accueillait les systèmes d'injection de carburant. Capables de gérer le mélange air-essence avec une plus grande précision en fonction de nombreux paramètres simultanément, ces systèmes renouvelaient avec les papillons pour régir le flux d'air dans le système d'admission. Aujourd'hui, pour la vaste majorité des motoneiges, les fabricants font appel à des systèmes à injection électronique de carburant, question de répondre aux attentes des consommateurs pour un rendement uniforme et une réponse dynamique rapide dans pratiquement toutes les conditions envisageables, et bien sûr, de respecter les normes règlementaires sur les gaz d'échappement qui ont été mises en place par les instances gouvernementales (notamment Environnement Canada). Sans grande surprise, l'évolution technologique se poursuit et nous avons aujourd'hui droit, sur certains modèles, à une nouvelle technologie de gestion du système d'admission de nos motoneiges, soit la commande électronique des gaz. Passons donc à un examen de cette technologie qui fait aujourd'hui partie intégrante de notre industrie.
Qu'est-ce que la commande électronique des gaz?
En bref, cette technologie, aussi appelée « conduite par fil » (une traduction de l'expression anglaise drive-by-wire) ou « commande des gaz par fil », entre autres, remplace le câble des gaz comme moyen d'actionner les papillons d'admission par un système électronique géré par le bloc de commande électronique (BCÉ) du moteur et alimenté par un moteur à pas. Plus précisément, le mouvement de l'accélérateur agit, directement ou indirectement, sur un capteur de position (ou un potentiomètre) qui envoie à son tour un signal à l'ordinateur. Ce dernier, utilisant cette donnée (parmi d'autres, par exemple la vitesse du moteur), sollicite le moteur à pas qui, lui, ouvre le ou les papillons au degré et à la vitesse désirés. Ainsi, cette technologie fait en sorte qu'il n'existe plus de lien direct ou mécanique entre la manette des gaz et les papillons d'admission, la communication étant uniquement de source électronique.

Le moteur à pas chargé de changer la position du papillon n’agit pas directement sur l’arbre du papillon. À des fins de précision, il agit plutôt par l’entremise d’engrenages réducteurs.
Dans ce diagramme, issu du système YCCT (pour Yamaha Chip-Controlled Throttle) lancé sur la moto YZF-R6 de Yamaha en 2006, on note également la présence d’un capteur de position sur l’arbre du papillon, celui-ci fournissant une rétroaction continue qui rend possible un haut degré de précision.
D'où vient cette technologie?
Si la technologie de commande électronique des gaz est relativement nouvelle dans l'industrie de la motoneige, elle existe depuis belle lurette dans d’autres domaines. À ses origines, celle-ci fut introduite dans des avions de chasse (d'où son acronyme fly-by-wire ou « vol par fil »), la gestion électronique permettant de remplacer les nombreux câbles et systèmes de raccordement et hydrauliques utilisés par le passé. Cette nouvelle approche a permis non seulement de couper du poids et de simplifier la gestion des nombreux systèmes critiques responsables de maintenir l'avion en vol, mais a également amélioré la fiabilité des avions et la précision des commandes.

Le célèbre chasseur canadien CF-105, aussi connu sous le nom de Arrow et fabriqué par Avro Canada, fut le premier aéronef non-expérimental à être équipé d’un système de contrôle vol par fil, et ce, en 1958.

Une fois peaufinée, cette technologie fut ensuite adaptée aux avions de transport de passagers. Pour ce qui est des véhicules routiers, le fabricant allemand BMW a été le premier à offrir cette technologie dans une automobile, la gestion électronique des gaz étant fournie de série sur les modèles de la série 7 en 1988
Le pour…
Au-delà de son arrivée plutôt récente dans le monde de la motoneige, cette technologie est devenue universelle dans les véhicules routiers. Mais pourquoi? De façon générale, l’élimination du câble et des mécanismes connexes permet (dans certains cas) de réduire le nombre de pièces (on parle ici d’un assortiment de câbles et des tringles), minimisant ainsi l’usure, les ajustements et l’entretien. En outre, la réduction du nombre de composants peut parfois contribuer à réduire le poids.

Selon Ski-Doo, le système iTC (pour intelligent Throttle Control, ou commande intelligente des gaz) permet de réduire l’effort requis à la manette des gaz de 40 % (comparativement à un moteur E-TEC), cela en raison de la diminution de la traînée mécanique due à l’élimination du câble.
On peut aussi parler d’un système plus sécuritaire, l’absence d’un câble éliminant la possibilité qu’il puisse être bloqué par le gel, un effritement ou de la saleté.
Par ailleurs, un peaufinage de la vitesse et du degré d’ouverture des papillons permet d’assurer que le moteur fonctionne toujours en mode optimal sur le plan du flux d’air. Le BCÉ, qui reçoit en continu des informations des nombreux capteurs du système (températures de l’air et du moteur, pression de l’admission, pression atmosphérique, vitesse du moteur, entre autres), agira toujours de manière à optimiser le mélange air-essence. Sur demande (par le déplacement de la manette des gaz par le pilote), il ouvrira le papillon juste assez pour répondre aux besoins du moteur, haussant la performance et l’économie en tout temps. Aujourd'hui, la commande électronique des gaz est devenue de rigueur sur les véhicules routiers, ces systèmes étant nécessaires pour permettre aux fabricants d’autos (et, à un moindre niveau, de motos) de se conformer aux nouvelles normes de gaz d’échappement (et de consommation dans le cas des autos).
Au moment d’introduire son système YCCT sur son moteur Genesis 1049 cc sur certains modèles 2016, un des avantages annoncés par Yamaha était une meilleure réponse du moteur due à la capacité du moteur à pas d’ouvrir les papillons plus rapidement. (photo à droite)
La gestion des gaz n’est que la pointe de l’iceberg, toutefois. Comme nous le savons tous, la grande puissance informatique dont nous disposons aujourd’hui fait en sorte que pratiquement tous les paramètres de fonctionnement des moteurs modernes sont gérés par un BCÉ, ce qui ouvre la porte à de nombreuses possibilités qui vont bien au-delà d’une simple gestion de l’ouverture des papillons d’admission. Pensons, entres autres, à la cartographie d’allumage ou à l’alimentation en carburant comme deux autres paramètres qui peuvent facilement être combinés à la gestion du papillon des gaz.

Cette flexibilité est telle qu’elle peut même aider à compenser pour des aspects mécaniques qui, eux, ne sont pas flexibles. Il faut dire que dans le cas d’une motoneige, la polyvalence du système d’entraînement et le faible taux d’adhérence entre la chenille et la neige rendent ce type de peaufinage un peu superflu, mais dans le monde automobile ou encore celui de la moto, ces capacités peuvent souvent s’avérer essentielles. Pensons, par exemple, à l’intégration de systèmes avancés tels que l’antipatinage, l’antiblocage ou encore le régulateur de vitesse, des caractéristiques communes dans nos autos modernes.

La gestion électronique du moteur est aujourd’hui un élément critique en compétitions MotoGP et Formule 1. Pensez aux systèmes d’antipatinage, par exemple. Lorsqu’un certain niveau de patinage est détecté (grâce à de nombreux capteurs), le BCÉ peut immédiatement réduire la puissance (en fermant le papillon d’admission ou l’alimentation en essence, ou encore en altérant la courbe d’allumage, par exemple) afin de rétablir la traction, la rapidité de la réaction étant au-delà de la capacité d’un être humain.
Le point sur les modes de conduite
La gestion électronique des moteurs (incluant des gaz) a permis aux fabricants de développer différents modes de conduite, chacun visant des comportements distincts. Le résultat ultime réalisé par les deux fabricants offrant ces systèmes dans leurs motoneiges (soit Ski-Doo et Yamaha) sont vraisemblablement presque identiques, mais leurs façons de présenter leurs technologies diffèrent. Dans le cas de Ski-Doo, le système iTC englobe non seulement la commande des gaz, mais aussi les modes de conduite dans un seul système unitaire. Plus précisément, le système iTC offre trois modes de conduite distincts, soit ECO, Normal et Sport.

La calibration du mode Sport dans le système iTC, par exemple, est conçue de manière à tirer le maximum de performance du moteur. Une fois ce mode choisi, le BCÉ augmente la vitesse au ralenti de 200 tr/min, haussant le flux d’air dans l’admission et améliorant ainsi la réponse.
De plus, la vitesse d’ouverture du papillon est plus rapide, bonifiant l’accélération.
Chez Yamaha, on a choisi de traiter de la question différemment, soit en divisant l’ensemble en deux sous-systèmes, soit le YCCT et le D-MODE. Selon le fabricant, bien que les deux systèmes travaillent de concert, chacun a un fonctionnement distinct : le YCCT gère la vitesse d’ouverture des papillons d’admission (et donc l’air fourni au moteur), alors que le D-MODE est chargé de contrôler la quantité d’essence livrée. Dans le cas des modes de conduite, Yamaha offre Sport (S), Touring (T) et Entry (entrée, E), chacun offrant une combinaison unique de vitesse de réponse, puissance maximale et vitesse de pointe.
Enfin, il est à noter que les deux manufacturiers font front commun en ce qui a trait à la calibration des trois modes offerts. En effet, alors que les noms des trois modes demeurent inchangés peu importe l’application, leur calibration actuelle est établie en fonction du segment de la motoneige concernée. Par exemple, la calibration du mode Sport sur une Renegade X-RS est très différente du mode de même nom sur une Grand Touring Limited. Voilà un autre exemple de la flexibilité que permettent ces systèmes.
... et le contre
Le fait est que les motoneiges munies d’un système de commande électronique des gaz se retrouvent en minorité. On peut donc comprendre qu’il y a des raisons pour lesquelles on continue de voir des systèmes mécaniques à câble sur la majorité des modèles. Pour commencer, notamment dans le cas d’une motoneige, ces systèmes sont plus complexes et dispendieux qu’un simple câble à gaz. Certains motoneigistes s’interrogent sur la nécessité de délaisser un système à câble éprouvé en faveur d’une nouvelle technologie qui, selon eux, est très peu – pour ne pas dire pas du tout – avantageuse. Plus précisément, le plus grand reproche que l’on peut faire à ces systèmes est sans doute le « manque de connexion » que ressentent certains motoneigistes. Autrement dit, on a parfois l’impression de ne pas avoir de lien direct avec le moteur, comme c’est le cas avec « un bon vieux câble à gaz ». La réalité dans de tels cas est qu’il s’agit parfois d’une question d’habitude et qu’un pilote s’adapte avec le temps. L’autre possibilité est qu’il s’agit d’une programmation qui demeure à perfectionner. Cela est parfois le cas avec un nouveau modèle, mais les efforts des ingénieurs réussissent inévitablement à peaufiner le fonctionnement et réaliser une connexion beaucoup plus intuitive.

Alors que le fabricant Polaris n’offre pas actuellement des motoneiges munies d’un système de commande électronique des gaz, les motos de sa filiale Indian (comme cette Scout Bobber) en sont dotées.
Peut-on parler d’une simple question de temps avant que cette technologie fasse le saut aux motoneiges?
Qu’en est-il de la fiabilité?
Certains s’interrogent sur la fiabilité de ces systèmes. Après tout, se retrouver immobilisé en auto sur le bord d’une route bien achalandée est une chose, mais ce même scénario au guidon d’une motoneige par temps froid loin de la civilisation a de quoi donner des frissons au plus téméraire des adeptes. Si cette crainte est en partie fondée, la réalité est que ces systèmes sont aujourd’hui très fiables (comme nous pouvons le constater en regardant nos autos modernes qui, elles, en sont pratiquement toutes équipées). Comment les fabricants en sont-ils arrivés à assurer cette fiabilité? Par la redondance. Les systèmes modernes font généralement appel à deux potentiomètres à l’endroit de la manette des gaz. Ces deux unités envoient des signaux en continu au BCÉ qui les compare en continu. En règle générale, les deux signaux concordent et il n’y a aucun problème. Si, toutefois, il y a un bris ou une défectuosité d’un capteur, les deux signaux seront « en désaccord » et l’ordinateur détectera la présence d’un problème. Il en va de même pour un signal anormal provenant d’un autre capteur dans le système (comme celui pour la position du papillon). Le BCÉ passera alors automatiquement en mode dépannage (allumant au même moment un témoin d’avertissement dans le tableau de bord), ce qui aura pour effet de limiter la vitesse ou la puissance du moteur. Ajoutons à cette redondance l’amélioration de la qualité des composants et on peut affirmer que ces systèmes sont aujourd’hui très fiables et durables.

Dans le système YCCT introduit sur sa moto YZF-R6 en 2006, Yamaha a ajouté une tringle mécanique et un ressort qui ferment les papillons advenant une panne électronique, question d’améliorer la sécurité de l’ensemble et de sécuriser les acheteurs de ce qui était à l’époque une nouvelle technologie.
L’avenir
Alors, cette technologie deviendra-t-elle un incontournable sur les motoneiges du futur? Cela dépendra de nombreux facteurs, y compris la réglementation gouvernementale et les attentes des consommateurs. Si nous avions à prédire son sort, nous aurions tendance à croire que les moteurs servant dans des applications variées (comme c’est le cas avec le Rotax 900 ACE, par exemple, qui sert également dans les autoquads, Spyder et motomarines) continueront à l’utiliser puisque l’investissement (lié au développement de tels systèmes) peut être amorti sur les nombreuses plateformes. Dans le cas des moteurs à vocation uniquement motoneige (notamment tous les moteurs à deux temps), nous croyons que cela est peu probable en raison de facteurs économiques (soit une combinaison de coûts de développement élevés et d’un volume de ventes relativement faible sur lequel récupérer cet investissement). On dira donc que si les systèmes de commande électronique des gaz ne deviendront pas universels dans notre industrie, ils sont tout de même là pour rester.
Bell Helicopter, une filiale de la multinationale Textron (qui est également propriétaire d’Arctic Cat), s’y connait en matière de systèmes de commande électronique. Peut-être verrons-nous une migration de cette technologie vers la motoneige dans un avenir pas trop lointain?
Yamaha plonge dans l'électronique
Profitant de son expérience recueillie sur les circuits de course en compétition de MotoGP, Yamaha a introduit en 2006 son « système d'accélération électronique », baptisé « YCCT », sur la célèbre moto supersport YZF-R6, devenant ainsi le premier fabricant de motos à présenter un tel système. Il était prévu que le YCCT, issu de sa coursière YZR-M1, offrirait une meilleure gestion de l'alimentation sur le moteur à quatre cylindres de 599 cc de la R6, celui-ci affichant une vitesse maximale de 16 000 tr/min! Plus précisément, la calibration pointue qui rendait une telle vitesse-moteur possible avait aussi pour effet de créer une plage de couple plutôt saccadée, un problème que le YCCT devait justement contribuer à surmonter.
Yamaha a poursuivi ses avancées techniques dans le domaine de la gestion des gaz avec le YCCT et, trois années plus tard, a introduit le système D-MODE, soit un « système de commande variable des gaz ». Concrètement, le D-MODE offrait un choix de modes de conduite, chacun fournissant des caractéristiques personnalisées et se distinguant par la vitesse de réponse du moteur, de même que la puissance et la vitesse de pointe dans certains cas.
En 2016, Yamaha a enfin lancé ses deux technologies dans le monde de la motoneige, soit sur le moteur Genesis de 1 049 cc que l’on retrouve dans les RSVector et RSVenture. Lors du lancement de ces modèles, le fabricant nous annonça que le YCCT était « intelligent », rendant la conduite plus fluide et constante, et ce, en passant par une altération de la vitesse d'ouverture des papillons en réaction à des applications soudaines et indésirables de l’accélérateur (notamment à basse vitesse). Il est à noter qu'à des fins de sécurité, un capteur de vitesse de la chenille empêchait de changer le mode tant et aussi longtemps que la chenille tournait, de sorte que tout changement devait être effectué lorsque la motoneige était immobilisée.
BRP se joint à la mêlée
Comme nous le savons tous, BRP est une société active dans divers segments de marché, et pas seulement celui de la motoneige. Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que son premier système de commande électronique des gaz n’a pas été introduit sur une motoneige, mais plutôt sur une motomarine Sea-Doo, et ce, en 2009. Il est pertinent de noter que les premiers modèles Sea-Doo à adopter cette technologie étaient munis d’un moteur produisant 255 ch, une puissance qui n’est pas recommandée pour tous les utilisateurs, notamment les néophytes. Compte tenu de cette première application, on peut parier que la raison sous-jacente de l’introduction de cette technologie était de pouvoir offrir des expériences de conduite uniques pour différents pilotes. L’introduction du système iTC permettait d’ajuster la livrée et la courbe de puissance selon des réglages prédéterminés, rendant les motomarines en question plus polyvalentes et adaptables à différents utilisateurs. Du coup, il devenait possible de laisser grand-maman aller faire un tour de Sea-Doo sans trop se soucier qu’elle ne se retrouve étampée dans le quai du chalet.

La célèbre clé verte (ou d’apprentissage) RESS a été rendue possible grâce au système iTC. Ainsi apparut un nouvel outil de démocratisation pour les produits BRP.
Ayant peaufiné cette technologie dans le monde marin, on lança celle-ci dans l’univers de la motoneige en 2014 en l’adaptant au nouveau moteur 900 ACE. On assurera alors son introduction sur les moteurs 600 ACE en 2015, le 1200 4-TEC en 2016 et enfin le nouveau 900 ACE Turbo en 2019.