L'Atelier

Le moteur à deux temps

Publié le 17 décembre 2017 - Michel Garneau

Depuis quelque temps déjà, nombreux sont ceux et celles qui prédisent la disparition des moteurs à deux temps dans les motoneiges. Cette tendance a débuté avec vigueur au début du nouveau millénaire avec l’introduction de la célèbre « Yellowstone Special » par Arctic Cat en 2000. Celle-ci, munie d’un moteur Suzuki tricylindre à quatre temps de 660 cc, selon certains, signalait le début de la fin pour les moteurs à deux temps. Ces cris se sont intensifiés davantage en 2003 lorsque Yamaha présenta sa fameuse RX-1, soit la première motoneige de haute performance propulsée par un moteur à quatre temps (soit le sublime moteur Genesis à quatre cylindres).

Voilà que nous sommes rendus à l’hiver 2017-2018 et les motoneiges dotées d’un moteur à deux temps constituent encore la vaste majorité (soit plus de 70 %) des ventes mondiales de nouvelles motoneiges. Au fil des années, l’équipe du magazine Motoneige Québec a travaillé avec ardeur et rigueur pour vous tenir au courant des nouvelles technologies dans le domaine de l’évolution du moteur à deux temps. Peut-être est-il temps, toutefois, de revisiter l’essentiel de ces moulins afin de mieux comprendre – et mieux apprécier – ce qui nous est offert aujourd’hui dans les salles d’exposition des concessionnaires. Alors, sans plus tarder…

Quatre fonctions, deux temps

Tel que nous l’avions noté dans une notre chronique Atelier de notre édition de novembre 2016 (La respiration à saveur de quatre temps, vol. 42, no 2), tous les moteurs à explosion font appel à quatre cycles dans leur fonctionnement, soit l’admission, la compression, la combustion et l’échappement. À la différence du moteur à quatre temps, où chaque cycle est unique (et requiert un mouvement distinct du piston), le moulin à deux temps combine certains de ces derniers avec, pour résultat, l’accomplissement de toutes ses tâches dans une seule ascension et descente du piston (soit une révolution complète du vilebrequin).

L’introduction de la YZ400F 1998 par Yamaha déclencha une véritable révolution dans le monde du motocross. Alors que la motorisation à quatre temps n’était pas vraiment nouvelle en compétition de motocross, le mariage de légèreté et de performance de la 400F lui a permis de rapidement faire ses preuves, menant à une éventuelle transformation des grilles de départ, devenue aujourd’hui pratiquement exclusivement réservée à des moulins à quatre temps. Nous osons croire que certains, dont Yamaha, pensaient que l’exploit se reproduirait dans le monde de la motoneige, notamment avec le lancement de la RX-1 en 2003.

De lumières et de carter

Avant d’entreprendre une explication détaillée du fonctionnement du moteur à deux temps, quelques faits doivent être soulignés au préalable. Premièrement, contrairement au moteur à quatre temps, le moteur à deux temps n’a pas de soupapes en tant que telles, mais fait plutôt appel à des lumières usinées dans la paroi du cylindre, dont certaines servant à l’admission du mélange, d’autres à l’évacuation des gaz brûlés. Ainsi, le piston, ou plutôt son déplacement, joue un rôle additionnel (et critique), soit celui d’ouvrir et fermer les lumières.

Deuxièmement, l’admission de l’air (ou du mélange air-essence dans un moteur à deux temps classique) se fait en passant par la culasse. En d’autres mots, avant d’entrer dans le cylindre (et éventuellement dans la chambre de combustion), l’air doit entrer dans le carter avant d’être ensuite redirigé vers le cylindre, le passage se faisant par des conduits qu’on appelle des lumières de transfert.

Fonctionnement de base

Enfin, nous sommes prêts à faire un survol du fonctionnement de base du moteur à deux temps classique. Tel qu’il a été mentionné antérieurement, l’opération du moteur à deux temps se résume à deux étapes, soit l’ascension et la descente du piston. Compte tenu de cette réalité, nous allons traiter le fonctionnement en examinant ces deux étapes essentielles.

Dans la première instance, le piston monte du point mort bas (PMB) au point mort haut (PMH), de manière à pousser le mélange vers la chambre de combustion où il sera comprimé (cycle de compression). Simultanément, en dessous du piston, le déplacement de ce dernier a pour effet d’augmenter le volume dans le carter, créant ainsi un vide partiel et incitant la pression atmosphérique à l’extérieur du moteur à pousser de l’air dans le carter pour contrer cette baisse de pression (cycle d’admission). Une fois le piston rendu au PMH, la bougie fait feu et lance ainsi le cycle de combustion. Tout comme dans le moteur à quatre temps, les gaz en combustion sont en expansion rapide, créant une hausse de pression dans le cylindre et poussant le piston vers le bas.

Le piston en pleine descente dégage éventuellement la lumière d’échappement, la pression élevée des gaz en combustion les forçant à quitter le cylindre et à entrer dans le système d’échappement (cycle d’échappement). La descente du piston cause une réduction du volume du carter (qui, lui, est maintenant plein de mélange frais), ce qui a pour effet de hausser la pression à l’intérieur de ce dernier. Une très courte période de temps plus tard, le piston dégage les lumières de transfert, permettant au mélange (qui est, rappelons-le, sous pression) d’entrer dans le cylindre. Ce déplacement des gaz (du carter au cylindre) est encouragé davantage par la baisse de pression qui apparaît maintenant dans le cylindre, résultat de la fuite des gaz brûlés. Ainsi, le piston arrive au PMB et tout recommence.

Comme vous pouvez le constater, le fonctionnement du moteur à deux temps est à la fois simple et compliqué. Il est important de noter qu’il s’agit ici d’une explication simpliste. En effet, la réalité est plus nuancée, chose que nous allons maintenant examiner.

Du côte de l’échappement…

Les premiers moteurs à deux temps ne se démarquaient pas particulièrement par leur puissance, ce qui explique qu’ils étaient relégués à des applications qu’on pourrait qualifier de bas de gamme. Comme c’est souvent le cas, la nécessité est la mère de l’invention et une pénurie de pétrole en Allemagne à la fin des années 1930 prépara le terrain pour une importante découverte, soit celle de la « chambre d’expansion ». Développée et fabriquée par un ingénieur nommé Limbach, celle-ci permit de réduire considérablement la consommation d’essence des moteurs à deux temps. On a remarqué également que les moteurs équipés de ces échappements étaient aussi nettement plus puissants. Toutefois, on a dû mettre le concept de côté avec l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale.

Au début des années 1960, un ingénieur allemand nommé Walter Kaaden, qui travaillait au programme de courses Grand Prix pour le fabricant de moto MZ (établi en Allemagne de l’Est), s’est inspiré du travail de Limbach et se mit à son tour à effectuer des recherches sur le moteur à deux temps. Ses efforts lui ont permis de comprendre qu’il était possible d’exploiter les ondes présentes à l’intérieur de l’échappement pour aider au remplissage du cylindre. Plus précisément, en façonnant un tuyau d’échappement à profil double conique (soit deux cônes dos à dos), à la différence des tuyaux simples utilisés à l’époque, il réussit à utiliser les ondes positives (soit celles s’éloignant du moteur) ET négatives (celles se dirigeant vers le moteur) pour augmenter la puissance du moteur.

Le mécanisme est le suivant : lorsque s’ouvre la lumière d’échappement, les gaz quittent aussitôt le cylindre, créant une onde positive. L’ouverture soudaine créée par le premier profil conique dans l’échappement a pour effet de faciliter l’évacuation des gaz brûlants depuis le moteur, augmentant ainsi le vide partiel dans le cylindre et donc accélérant et améliorant l’entrée d’air par les lumières de transfert dans le cylindre (qui, rappelons-le, ouvrent peu de temps après la lumière d’échappement). Par contre, ce mélange frais cherche à suivre les gaz d’échappement, soit à l’extérieur du moteur et dans le tuyau d’échappement. Voilà que l’onde négative entre en fonction, celle-ci repoussant le mélange frais dans le moteur, haussant ainsi la quantité de mélange dans le cylindre. Évidemment, plus il y a de mélange dans le cylindre, plus la puissance produite sera élevée. Suite à sa recherche, Kaaden réussit à produire (avec la célèbre RE125 1961) le premier moteur atmosphérique à franchir la barre du rendement spécifique de 200 ch/L!

Ce schéma nous permet de visualiser le rôle joué par la chambre d’expansion dans le fonctionnement d’un moteur à deux temps. Notez les ondes positives (en vert) et négatives (en rouge), celles-ci travaillant de concert pour créer un effet de suralimentation. En manipulant les dimensions critiques de la chambre d’expansion (volume, diamètre, longueur, angles), les ingénieurs peuvent modifier non seulement la puissance de pointe, mais aussi la plage et la livrée de celle-ci.

Une question de hauteur

Si la configuration et les dimensions du système d’échappement ont un effet considérable sur le rendement d’un moteur à deux temps, la taille et l’aire de la lumière échappement jouent aussi un rôle clé. En effet, toutes choses étant égales, plus l’aire de la lumière est grande, plus la puissance à haut régime sera privilégiée. Pourquoi? Parce que la plus grande superficie ralentie la vitesse de sortie des gaz brûlés, nuisant ainsi à la puissance à bas régime. Par contre, une fois la vitesse-moteur augmentée, la plus grande surface permet au moteur de mieux respirer, haussant du coup sa puissance. Nous parlons ici du même phénomène que nous constatons dans un moteur à quatre temps doté de conduits d’échappement de grande taille.

La mise en place des premières normes de gaz d’échappement pour les moteurs de moto par l’Environmental Protection Agency (EPA) américaine en 1978 a signé le début de la fin pour le moteur à deux temps dans les motos de route (notamment aux États-Unis). À l’époque, Can-Am prévoyait lancer une moto de route munie d’un moteur à deux temps bicylindre de 500 cc (voir la photo), mais un changement dans le cadre réglementaire a fait en sorte que celle-ci ne se rende jamais en production.

L’autre facteur déterminant est la hauteur de la lumière d’échappement (ou plus particulièrement la distance entre le sommet du cylindre et l'extrémité de la lumière d’échappement), celle-ci jouant aussi un rôle critique dans la « personnalité » du moteur. Plus la lumière d’échappement est haute, plus le moteur sera performant à haut régime, et ce, au détriment de la puissance à basse vitesse, en raison de l’ouverture hâtive qui réduit l’exploitation de la pression produite par les gaz en expansion. À haute vitesse, cette configuration permet d’améliorer la respiration du moteur, les gaz étant en état de plus haute pression au moment de l’ouverture. Ainsi, ils s’évacuent plus rapidement du cylindre.

Historiquement, on a fait appel aux moteurs à deux temps de façon disproportionnée dans des applications de haute performance, c’est-à-dire des applications où la puissance de pointe est primordiale. Il s’ensuivit que ces moteurs étaient calibrés pour privilégier la puissance à haut régime avec, comme sous-produit, un rendement plutôt faible à bas régime. Aussi, il est peu surprenant de noter que le moteur à deux temps ait acquis une réputation d’être « pointu ». N’y a-t-il pas moyen d’offrir une plage de puissance plus large et donc moins pointue?

Une soupape s.v.p.

Comme nous le savons tous, la compétition est un outil redoutable servant à motiver l’innovation et la créativité. Devant la concurrence féroce de son concurrent Suzuki en compétition de motos 500 GP à la fin des années 1970, le fabricant Yamaha introduit une nouvelle technologie permettant d’ajuster la hauteur (ainsi que l’aire) de la lumière d’échappement sur un moteur à deux temps. Baptisée YPVS (pour Yamaha Power Valve System, ou système de soupape de puissance), la première version de ce système était constituée d'une valve en forme de bobine installée au-dessus de la lumière d'échappement du cylindre. Selon le régime du moteur, un boîtier de commande électronique et un micro-moteur commandaient par câble la rotation de la soupape pour la placer dans la position requise, fournissant ainsi la meilleure configuration sur toute la plage de régimes. Grâce à sa capacité d'élargir la plage de puissance, la technologie YPVS a amélioré de façon importante l'accélération de l'OW35K à la sortie des virages, contribuant à ce que son pilote vedette Kenny Roberts remporte son deuxième championnat du monde consécutif en 1979.

Voici ce à quoi ressemblait la première version du célèbre système YPVS de Yamaha. On voit, à droite, l’effet de la position de la valve sur la courbe de puissance. Dans sa position basse (no 3), la puissance est plus ample à bas régime, alors qu’en position pleinement ouverte (no 1), c’est la puissance à haut régime qui est avantagée. La courbe permise par la YPVS, soit la rouge, démontre que celle-ci met fin aux compromis occasionnés par une hauteur fixe

La configuration à bobine de la première YPVS a depuis été remplacée par des designs à guillotines. De plus, les plus récents systèmes de soupapes d’échappement agissent également sur les lumières d’échappement auxiliaires, permettant de peaufiner davantage le rendement des moteurs qui en sont équipés.

 

La célèbre Mach 1 1989 a été la première motoneige de série a être dotée d’un système de soupapes d’échappement à hauteur variable, connu sous l’appellation RAVE (pour Rotax Automatic Variable Exhaust, ou échappement variable automatique Rotax). Cette technologie est maintenant de rigueur dans les moteurs à deux temps propulsant les motoneiges de performance.

Et la porte d’entrée?

L’échappement n’étant qu’un des deux systèmes majeurs d’un moteur à explosion, qu’en est-il du côté de l’admission? Les premiers moteurs à deux temps utilisaient une configuration nommée admission par lumière d’admission (ou piston-port en anglais). Dans ce design, le mélange entre dans le moteur à deux moments précis et distincts, le premier étant lorsque le piston est en ascension, alors que le bas de la jupe du piston cesse de couvrir la lumière, exposant l’aire sous le piston (soit le carter) à l’atmosphère, la pression atmosphérique poussant l’air (ou le mélange dans un moteur à deux temps classique) dans la région en basse pression. L’autre événement d’admission a lieu lorsque le piston est en descente, le dessus du piston découvrant l’extrémité supérieure de la lumière d’admission, exposant l’aire au-dessus du piston (soit le cylindre et la chambre de combustion) à l’atmosphère, la pression atmosphérique cherchant à nouveau à contrer une situation de basse pression, celle-ci produite par la sortie des gaz brûlées par la lumière d’échappement. Économique à produire et simple, cette configuration sert toujours, notamment dans des applications plus bas de gamme.

Elle n’est pas sans problème, toutefois. Évidemment, un trou ou un passage ne discerne pas la direction d’un flux d’air. Bref, l’air passant par la lumière (une fois ouverte) passe tout aussi facilement en direction vers le moteur qu’en direction contraire. Cette situation peut entraîner un problème pour le fonctionnement du moteur, le mélange pouvant aussi facilement quitter le moteur que d’y entrer, ce qui peut occasionner une diminution de l’efficacité volumétrique du moteur (c’est-à-dire la quantité d’air/mélange entrant, restant et brûlant dans le moteur, celle-ci relative à sa cylindrée). Cela a aussi tendance (dans un moteur à carburateur) à produire un mélange excessivement riche, l’air passant dans le carburateur étant alimenté en essence à chaque passage, peu importe sa direction. Comme vous pourrez le constater, il se peut qu’un mélange soit donc (trois fois!) plus riche que prévu, ce qui nuit au rendement du moteur en réduisant sa puissance et haussant sa consommation.

Heureusement, la recherche éternelle de la perfection a motivé des ingénieurs à trouver des façons de remédier à cette situation. Une des solutions a été d’ajouter un disque rotatif au point d’admission (celui-ci étant déplacé au carter), le profil coupé du disque servant à contrôler de façon précise la synchronisation de l’événement d’admission, et ce, tout en scellant le carter pour éviter la fuite du mélange. Rotax, filiale moteur de BRP, a longtemps opté pour cette configuration permettant de produire des moteurs d’une puissance remarquable.

 

 

Certains des moteurs Rotax les plus célèbres, notamment le « 583 » et le « 670 », étaient équipés d’un système d’admission par disque rotatif (photo). Éventuellement, ils ont été remplacés par des moteurs à clapets dotés d’une admission par cylindre, cette configuration permettant un positionnement plus bas du moteur dans le châssis et ainsi, abaissant le centre de gravité. De plus, le moteur à clapets peut également accueillir le système de marche arrière RER, chose que l’aspect non symétrique de l’admission par disque peut difficilement accommoder.

Une autre option est apparue, soit celle des clapets. Dans ce cas, le point d’admission du mélange au moteur (soit le cylindre dans un moteur à admission par cylindre ou le carter dans un moteur à admission par carter) est muni de clapets, soit des lames minces s’ouvrant à sens unique qui permettent au mélange d’entrer dans le moteur, mais pas de ressortir. Fixés à une cage, les clapets ouvrent et ferment en réaction à une légère baisse ou hausse de pression, respectivement. Les moteurs de motoneige à deux temps de haute performance sont aujourd’hui tous dotés d’un système d’admission par clapets, bien qu’Arctic Cat et Polaris utilisent des moteurs à admission par carter alors que BRP-Rotax opte plutôt pour l’admission par cylindre.

 

Les clapets d’admission sont essentiellement des soupapes à sens uniques : elles permettent l’entrée d’air au sein du moteur tout en l’empêchant de sortir. Le résultat est une augmentation de la puissance du moteur, ainsi qu’une livrée de puissance plus prévisible et linéaire, de même qu’une diminution de la consommation d’essence.

 

Arctic Cat, de par son fournisseur de moteurs de l’époque (soit Suzuki), a offert certains modèles dans les années 1980 et 1990 dotés de moteurs avec un système d’admission que l’on peut qualifier d’hybride, c’est-à-dire avec non seulement la lumière d’admission traditionnelle (« piston-port ») mais également des clapets donnant au carter du moteur.

Les lumières de transfert

L’admission ne se termine pas avec l’entrée de l’air (ou du mélange) dans le carter, car nous devons ensuite l’acheminer vers l’intérieur du cylindre où il pourra ensuite être comprimé et allumé dans la chambre de combustion. Tel que mentionné antérieurement, il s’agit du rôle des lumières de transfert, soit des passages qui existent à l’intérieur du moteur et qui mènent justement du carter au cylindre. Comme on peut s’y attendre, leur taille joue un rôle très important sur le rendement du moteur. Étant essentiellement une pompe à air, tout ce qui facilite le déplacement de l’air (soit de l’extérieur du moteur vers l’intérieur, de l’intérieur vers l’extérieur ou, dans le cas actuel, d’un endroit à l’autre à l’intérieur du moteur) aura pour effet d’augmenter la puissance. D’ailleurs, la hausse de puissance dans les moteurs à deux temps modernes est en partie attribuable aux avancées sur le plan de leur design.

 

 

Sans contredit, les lumières de transfert jouent un rôle critique dans le fonctionnement d’un moteur à deux temps. En effet, les responsables de la calibration de la motorisation des bolides des compétiteurs en sports motorisés (snocross, motocross) débutent souvent leurs démarches visant à hausser leur puissance par un usinage de ces lumières.

Modes d’injection

La majorité d’entre nous connaît la réalité qu’est un moteur à carburateur. Sans vouloir trop élaborer sur la chose, un carburateur est un dispositif mécanique permettant d’ajouter le carburant à l’air entrant dans le moteur, l’ajout se faisant par le mécanisme de différentiel de pression. Plus précisément, l’air entrant dans le venturi du carburateur subit une baisse de pression, ce qui initie un processus par lequel l’essence est poussé dans le flux d’air par la pression atmosphérique agissant sur l’essence situé dans le bol du carburateur. Simple et fiable, les moteurs à deux temps à carburateurs sont affligés par des taux élevés de gaz d’échappement polluants et de consommation de carburant.

L’évolution des moteurs à motoneige se poursuit avec l’introduction des systèmes à injection électronique de carburant, des injecteurs fonctionnant à haute pression injectant le carburant (finement atomisé) dans le flux d’air au niveau des papillons d’admission. Plus précis que le carburateur, sans parler de programmable pour compenser les changements de température et d’élévation grâce à sa gestion par ordinateur, les systèmes d’injection par corps de papillon sont également compromis par les gaz polluants et la consommation élevée.

L’injection semi-directe de carburant, lancée avec le premier moteur Rotax 800 2-TEC en 2003, a affiché des gains importants sur les plans de la diminution des émanations et de la consommation, le tout grâce à l’injection du carburant par les lumières de transfert. Plus précisément, des injecteurs gérés par ordinateur et placés à proximité des points de sortie des lumières de transfert (où ceux-ci déversent dans le cylindre) permettent de mieux synchroniser l’injection de carburant, réduisant de façon importante les pertes de mélange par la lumière d’échappement. Cette configuration continue à être utilisée par Polaris dans ses moteurs Cleanfire. Arctic Cat, dans ses moteurs C-TEC2, a développé une variation de cette technologie dans laquelle l’injecteur est positionné à proximité de la paroi du cylindre, l’essence étant injectée au-dessus du piston et, en situation de charge lourde, en-dessous également en passant par une rayure dans le piston. Dans les deux cas, uniquement de l’air entre par les corps de papillon du moteur.

Le fabricant de motos autrichien KTM a récemment lancé une série de motos de type enduro munies de moteurs à deux temps (comme cette 250 EXC 2018) utilisant une nouvelle technologie à injection de carburant semi-directe nommée TPI (pour Transfer Port Injection, ou injection par lumière de transfert). S’agirait-il d’une renaissance du moteur à deux temps dans la moto hors route? À suivre.

Enfin, avec sa technologie E-TEC, BRP-Rotax nous offre des moteurs à injection directe de carburant. L’injecteur, un dispositif à grande précision et vitesse inspiré d’une bobine de haut-parleur, introduit l’essence directement dans la chambre de combustion, et ce, uniquement une fois que les lumières sont tous fermées, garantissant par le fait même aucune perte de mélange par l’échappement.

Forces et faiblesses

Le moteur à deux temps demeure le type de moteur de prédilection dans de nombreuses motoneiges, principalement en raison de sa légèreté et de sa puissance (soit son rendement spécifique) exceptionnelle. Ajoutons à cela sa simplicité et ses faibles coûts de production, bien que la quasi-obligation de faire appel à des technologies d’admission semi-directe ou directe a réduit quelque peu l’ampleur de cet avantage ces dernières années. Enfin, le moteur à deux temps, contrairement aux croyances populaires, repose sur un design efficace sur le plan mécanique, les taux de frottement et d’inertie internes étant faibles, et sur sa quasi-absence de pertes dues au pompage.

Tout n’est pas parfait et le moulin à deux temps (classique) est accablé par certains désavantages, principalement sa consommation de carburant et ses émanations de gaz polluants élevées. Dans les faits, la cause de ces deux problèmes est vraisemblablement la même, soit la perte de charge d’admission fraîche (soit imbrûlée) par la lumière d’échappement. Comme vous pourrez lire ailleurs dans cette chronique, des avancées technologiques ont permis de réduire les effets nuisibles de cette tendance. Enfin, la fiabilité et la durabilité à long terme est aussi problématique (comparativement aux moteurs à quatre temps), le fait de faire feu à chaque révolution gardant le piston en état de stress élevé et le rendant plus vulnérable aux bris mécaniques.

Le futur

Personne ne peut prédire l’avenir, même pas JoJo Savard… Tout comme certains se sont empressés à prédire la disparition du moteur à deux temps, d’autres nous annoncent que les moteurs à explosion ne seront bientôt qu’un souvenir lointain, les moteurs électriques poussant les moteurs à essence au rancart. La réalité, toutefois, risque d’être tout autre et, à moins d’avancées technologiques révolutionnaires dans le domaine des batteries, il y a des chances que les moteurs à essence, y compris les moteurs à deux temps, fassent partie du décor pour des années à venir. Soyez assurés, toutefois, que ceux-ci continueront à devenir plus propres, efficaces, fiables et puissants. Voilà une nouvelle qui se prend bien, ne pensez-vous pas?

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