Il n’est pas simpliste de dire que toutes les fonctions des moteurs à explosion reposent sur un seul et même élément : la combustion. Sans la combustion, le moteur à combustion interne ne serait rien de plus qu’une pompe à air, incapable de propulser quoi que ce soit. Voilà que tous les paramètres de design et toutes les avancées technologiques réalisées au fil des années sur les moteurs n’ont qu’une seule mission : celle d’améliorer la combustion (ou, de manière connexe, d’optimiser l’utilisation du processus de combustion). Dans cette chronique, nous allons donc explorer les divers aspects de cette « flamme sacrée » qui nous permet de transformer ce produit brut qu’est l’essence (et l’air aussi, bien sûr) en superbes randonnées à bord de nos motoneiges.
De chimie et de physique
Comme nous l’avons mentionné à quelques reprises dans Motoneige Québec, la combustion du mélange air-essence est une réaction chimique. Cette réaction, de type exothermique (ce qui veut dire qu’elle dégage de l’énergie sous forme de chaleur), a pour effet de créer une hausse de pression dans la chambre de combustion et à l’intérieur du cylindre. Voici le processus par lequel cette énergie est libérée :
CxHx + O2 → CO2 + H2O
Dans l'expression précédente (soit l'équation de la combustion d'un hydrocarbure, CxHx), O2 représente l'oxygène, alors que CO2 indique le dioxyde de carbone et H2O symbolise la vapeur d'eau. De façon concrète, l'étincelle fournie par la bougie allume le mélange air-essence (CxHx + O2), initiant la réaction chimique qui se produit dans la chambre de combustion. Celle-ci dégage de l'énergie (sous forme de chaleur et de gaz en expansion – CO2 + H2O), forçant le piston à descendre et entraînant le vilebrequin.
Combustion imparfaite
La formule précédente représente un scénario parfait. Toutefois, comme nous le savons tous, cela est rarement le cas dans la réalité. Pour commencer, il faut savoir que l’air que nous respirons est composée de seulement 21 % d’oxygène, la vaste majorité (soit 78 %) étant de l’azote (le reste, soit environ 1 %, étant constitué d’un mélange de divers gaz, dont le dioxyde de carbone). Ceci change donc la donne, compliquant davantage le processus. Aussi, les conditions dans la chambre de combustion sont plutôt variables, faisant en sorte que la combustion est parfois incomplète, ce qui a tendance à produire du monoxyde de carbone (CO), un gaz inodore qui est toxique aux humains et aux autres êtres vivants. Sans grande surprise, il s’agit d’un des gaz réglementés par le gouvernement dans les normes de gaz d’échappement. Il en va de même pour les hydrocarbures (HC) imbrûlés, ceux-ci étant essentiellement de l’essence évacuée par l’échappement sans avoir été brûlée. À vrai dire, la cause majeure des émanations de HC n’est pas que les gaz n’ont pas été brulés lors de la combustion, mais plutôt que les gaz n’ont jamais contribué à – ou été présents lors de – la combustion, passant tout simplement par le cylindre et directement à l’échappement.
Une autre situation problématique est la production d’oxydes d’azote (NOx). Ce gaz, le produit d’une réaction entre les molécules d’oxygène et d’azote, est un des constituants principaux du smog, en plus de contribuer au problème des pluies acides. Il est produit dans la chambre de combustion lorsque les températures sont très élevées, soit comme on en retrouve plus fréquemment dans des moteurs à quatre temps (ou diesel). Le smog n’étant pas un énorme problème l’hiver, les agences gouvernementales ont choisi de ne pas réglementer ce gaz dans le cas des motoneiges, bien qu’il le soit pour les automobiles et autres véhicules routiers.
Le mélange idéal
Plusieurs d’entre vous avez certainement entendu parler de « mélange pauvre » ou de « mélange riche », mais de quoi s’agit-il au juste? Pour répondre à la question, on fait référence à la proportion du carburant (soit l’essence) par rapport à celle de l’air dans le mélange. Pourquoi cela a-t-il un effet au juste? Si nous retournons brièvement à notre formule pour la combustion, il faut comprendre qu’il existe un rapport idéal dans le mélange air-essence pour optimiser le résultat de la réaction. Bref, une fois la proportion idéale atteinte, pratiquement toute l’essence et l’oxygène disponibles seront consommés, maximisant le dégagement de l’énergie (et donc le couple du moteur) et diminuant les produits secondaires non désirables, tels le CO et les HC. On parle ici du rapport stœchiométrique.
Dans le cas de l’essence, on nous dit que ce rapport est de 14,7 grammes d’essence pour chaque gramme d’air, celui-ci étant généralement annoté par l’expression « 14,7:1 ». Lorsque ce ratio est atteint, le moteur est censé opérer à son maximum d’efficacité. Voilà qu’encore une fois, la réalité diffère du théorique puisqu’en réalité, le maximum de puissance est généralement réalisé lorsque les rapports se rapprochent de 12:1 (soit plus riche que stœchiométrique), bien que dans le cas de la consommation d’essence, un ratio de 16:1 soit souvent préférable.
Un des aspects intéressants des moteurs à deux temps à injection directe E-TEC de BRP/Rotax (comme ce 600R) est leur capacité à fonctionner en mode stratifié à basse vitesse et en conditions de charge légère. Qu’est-ce qu’un mode stratifié? Dans la vaste majorité des moteurs, l’opération se fait en mode homogène, c’est-à-dire que le mélange air-essence est uniforme (ou homogène), ou autrement dit, que le mélange affiche un ratio constant et ce, partout à l’intérieur du cylindre. Dans le cas du mode stratifié (ou non homogène), le mélange n’est pas réparti de façon uniforme dans le cylindre. Plus particulièrement, l’injecteur E-TEC introduit une petite plume d’essence à proximité de la bougie, ce qui produit une boule de feu limitée à la région immédiate de la bougie. Lorsque le moteur fonctionne ainsi, le rapport air-essence est de 60:1! Ce mode fournit beaucoup d’air pur pour une meilleure combustion, permettant ainsi de réaliser une combustion plus complète et réduisant les émanations de CO et de HC, sans parler de diminuer la consommation d’essence. Une fois que la vitesse du moteur ou la charge augmente, le moteur passe en mode homogène, celle-ci générant plus de puissance.
La déviation, du côté riche ou du côté pauvre du rapport stœchiométrique, apporte des effets importants au processus de combustion, notamment sur le plan de la température. De façon générale, un mélange riche a tendance à faire chuter la température de la réaction, alors qu’une évolution du côté pauvre du spectre la fait grimper. Un mélange trop riche produit aussi plus d’émanations de suie et de matières particulaires.
Les moteurs à deux temps, qui font feu avec chaque montée du piston, sont particulièrement sensibles aux mélanges pauvres, un appauvrissement imprévu du mélange (occasionné par une fuite d’air dans le système d’admission, par exemple) menant souvent à des bris mécaniques suite à la hausse de la température dans la chambre de combustion.
Il est intéressant de noter que le rapport stœchiométrique varie selon le type (ou la composition) du carburant, ainsi qu’en fonction de la teneur en oxygène de l’air. Voilà pourquoi, entre autres, on doit généralement enrichir le mélange en utilisant de l’essence augmentée d’éthanol, la présence d’atomes d’oxygène dans l’alcool venant bousculer l’équilibre. Un autre exemple du besoin de modifier le mélange est l’obligation d’appauvrir le mélange lorsque l’on grimpe en altitude, ceci en raison de la réduction de la densité de l’air et de sa teneur en oxygène.
Combustion vs explosion
Avant de poursuivre notre traitement du sujet, il est important d’apporter une nuance quant à l’appellation « moteur à explosion ». Dans les faits, alors que la nomenclature nous porte à croire qu’il se passe des explosions à l’intérieur de celui-ci, la réalité est plus nuancée. Il faut savoir que le processus de brûlage du mélange n’en est pas un d’explosion en tant que tel, mais plutôt de combustion, soit par la flambée très rapide du mélange (pensez à un feu de paille qui se déplace dans un champ, par exemple), celle-ci débutant dans la région immédiatement adjacente à la bougie et se répandant à la grandeur de la chambre de combustion et du cylindre.
Pourquoi donc apporter cette nuance? La raison en est simple; une explosion se fait de façon instantanée alors que la combustion s’étale plutôt sur une période de temps. Autrement dit, il faut prévoir le temps nécessaire pour que la combustion se produise, ce qui a un impact majeur sur la séquence des événements à l’intérieur de la chambre de combustion et du cylindre.
La courbe d'allumage
Nous savons tous que le système d'allumage doit créer l'étincelle nécessaire pour allumer le mélange. Toutefois, il doit aussi la produire à un moment opportun. Pour simplifier, on peut comprendre que l'étincelle doit être produite au moment où le piston se trouve à sa hauteur maximale dans le cylindre, soit son point mort haut (PMH), donc juste avant que le piston débute sa descente vers le pont mort bas (PMB). Ceci est vrai au démarrage, mais une fois que la vitesse du moteur augmente, il faut prévoir suffisamment de temps pour que le mélange ait le temps de brûler, le laps de temps disponible pour accomplir la tâche rapetissant proportionnellement à l'augmentation du régime moteur. En somme, il faut prévoir d'allumer le mélange plus tôt dans le cycle de compression du moteur au fur et à mesure que la vitesse augmente, de sorte à créer une pression de combustion maximale à peine quelques degrés après le début de la descente du piston dans le cylindre, maximisant ainsi le couple du moteur.
Les données de réglage intégrées prennent la forme d’un terrain montagneux lorsqu’elles sont représentées en trois dimensions. La longueur et la largeur correspondent aux deux variables que constituent le régime et l’angle de l’accélérateur, tandis que la hauteur représente le réglage d'allumage correspondant. Celles-ci sont produites en soumettant les moteurs au dynamomètre et en déterminant les valeurs appropriées pour un grand nombre, voire des centaines, de points, soit ceux qui produisent les meilleurs résultats (parlons de l'efficacité maximale, qui se traduit par la puissance optimale, la consommation minimale et le moins d'émanations de gaz polluants). L'ordinateur est ensuite chargé d'interpoler entre ceux-ci.
La vitesse du moteur n’est pas le seul facteur influant sur les données de la courbe d’allumage. On peut aussi parler du design même de la chambre de combustion, certaines configurations étant plus efficaces que d’autres sur le plan de la gestion de la combustion. Par exemple, dans le cas de nombreux moteurs à quatre temps modernes, la course à la puissance a exigé que les ingénieurs haussent la vitesse des moteurs, ce qui à son tour a dicté l’utilisation de plus grandes soupapes (pour permettre aux moteurs de « respirer » aux vitesses plus élevées). Ces modifications ont eu pour résultat que les chambres de combustion ont évolué jusqu’à prendre la forme d’un disque plat à grand diamètre. Il s’agit d’une forme qui n’est pas idéale pour encourager la combustion rapide et efficace. De plus, l’augmentation du diamètre du piston augmente la distance de déplacement de la flamme, ce qui, par le fait même, réduit le temps disponible pour brûler le mélange. Pour compenser, les ingénieurs ont dû lancer le processus de combustion plus tôt dans la course de compression.
Une des techniques développées par les ingénieurs au fil des années afin d’améliorer l’efficacité de la combustion est d’induire de la turbulence au mélange lorsqu’il entre dans la chambre de combustion. Une approche novatrice ayant pour objectif d’accomplir cette tâche fut la décision d’intégrer une séquence d’ouverture légèrement différente aux deux soupapes d’admission dans le moteur bicylindre des motos 1190 du défunt fabricant EBR. Dans ce cas précis, une soupape d’admission ouvrait légèrement avant l’autre avec pour conséquence d’initier un effet de tourbillonnement dans le mélange au moment où il entrait dans le cylindre.
Du côté des moteurs à deux temps, les culasses ne sont pas affectées par la présence de soupapes, laissant plus de latitude aux ingénieurs le temps venu de dessiner des chambres de combustion plus à même d’entraîner une combustion rapide et efficace du mélange. Dans les faits, la chambre de combustion d’un moteur à deux temps ressemble plus à un dôme ou un cône, soit une configuration qui concentre le mélange près de la bougie, faisant en sorte que la flamme a très peu de distance à parcourir.
Le nouveau moteur 850 Patriot de Polaris présente un design de chambre de combustion qui est en instance de brevet. On nous dit que cette nouvelle configuration contribue à rehausser l’efficacité de la combustion, réduisant ainsi les émanations et augmentant la puissance.
La simplicité de la culasse d’un moteur deux-temps ouvre une possibilité intéressante pour les versions de course de ces moulins, notamment l’utilisation de chambres de combustion échangeables. Leur utilisation est pratique courante dans certains milieux, dont le monde du karting et des motos de compétition de motocross et d’enduro. En changeant le volume et la géométrie de la chambre, il est possible d’optimiser le rendement du moteur selon la qualité de l’essence disponible, ou encore selon l’altitude ou les caractéristiques de puissance désirées.
Préallumage et détonation
Voilà deux expressions dont nous entendons parler assez souvent et qui s’avèrent parfois interchangeables. La réalité est qu’il s’agit de deux phénomènes distincts, bien qu’ils soient tous les deux indésirables. Alors que sont le préallumage et la détonation? Le préallumage (parfois appelé préignition) est l'allumage de la charge avant l'intervention de la bougie, soit par une source autre que la bougie. Parmi les causes fréquentes du préallumage, on retrouve des points chauds dans la chambre de combustion, une bougie à plage de température incorrecte (soit trop chaude), ou encore, des dépôts de carbone dans la chambre de combustion, ceux-ci ayant été chauffés au point de l’incandescence.
La détonation est une toute autre chose. Alors que celle-ci fait aussi référence à un phénomène au cours duquel la combustion de la charge a lieu sans l'intervention de la bougie, à la différence de la préignition, toutefois, la détonation a lieu après que la bougie ait fait feu. Comment se peut-il, vous demandez-vous? Souvenez-vous que le front de flamme créé au moment de l'allumage de la bougie se déplace rapidement à l'intérieur de la chambre de combustion, ce qui a pour effet de faire grimper rapidement la pression et la température internes. Lors du déplacement de la flamme, et avant que celle-ci ne se rende aux points les plus éloignés de la bougie, des régions de mélange surchauffé et chimiquement instables se forment. La détonation se produit lorsque celles-ci, en raison d'un indice d'octane insuffisant, s'enflamment, et ce, de façon explosive, créant des énormes pics de pression. Ceux-ci sont tellement puissants qu'ils ébranlent le piston dans le cylindre, désarçonnant les segments et transférant un impact énorme à la bielle et au vilebrequin (d’où le cliquetis associé au phénomène). Son effet sur le moteur est si nocif qu’il s’agit d’un phénomène à éviter presque à tout prix.
Les dommages causés par la détonation sont souvent au niveau du piston, mais pas toujours. Voici une bielle qui a été pliée en raison de ce phénomène nocif qui s’apparente à frapper le piston avec une masse.
Pour revenir brièvement à la question de la croissance des alésages sur les moteurs à quatre temps, les moteurs à alésages supérieurs sont particulièrement vulnérables à la détonation. Plus précisément, la taille imposante de ces nouveaux moteurs peut faire en sorte que le temps exigé par la combustion puisse dépasser le temps exigé par la détonation. Afin d’éviter une telle situation des plus indésirables (soit la détonation), on fait parfois appel à une bougie supplémentaire par cylindre, celles-ci étant allumées simultanément.
En raison de son imposant alésage de 106 mm, les ingénieurs de Ducati ont choisi de munir le moteur Testastretta DVT de ses motos Multistrada 1200 de deux bougies d'allumage par cylindre, assurant ainsi une combustion plus uniforme.
Alors que nombreux sont ceux qui souhaitent la disparition du moteur à combustion interne en faveur du moteur électrique (pour une foule de raisons), la réalité est que ce premier sera avec nous pour de nombreuses années encore. Si certains chercheront à disputer cette affirmation, la réalité est que les combustibles fossiles continueront à dominer dans l’avenir prévisible pour une simple et unique raison, soit leur densité énergétique (ou la quantité d'énergie apportée par unité de poids ou volume) supérieure. Dans les faits, l'essence est plus de 50 fois plus dense (ou, autrement dit, plus léger par unité d'énergie par un facteur de 50) que les meilleures batteries modernes, un écart important qu’on ne risque pas de surmonter dans un avenir rapproché. Pour certains véhicules, on pourra composer avec cette contrainte (comme par exemple un nombre croissant d’automobiles), alors que pour d’autres, on devra rester à la merci des carburants pour une foule de raisons, notamment le manque d’espace d’entreposage pour les batteries.
Bien que nous souhaitions tous un avenir sans pétrole, la réalité est que les combustibles fossiles risquent d’être avec nous pour encore une bonne période de temps.
Comme nous le savons tous, un moteur à explosion produit des composés chimiques qui sont loin d'être désirables. Tel qu’élaboré ailleurs dans cette chronique, on parle tout particulièrement du monoxyde de carbone (CO), des hydrocarbures imbrûlés (HC), et enfin, des oxydes d'azote (NOx). Alors que de nombreuses avancées en matière d’injection de carburant et du design des chambres de combustion ont diminué de beaucoup les émanations en question, il existe une technologie qui contribue à les réduire davantage : les convertisseurs catalytiques. Ceux-ci, maintenant omniprésents sur les automobiles et autres véhicules routiers, aident à réduire les émanations de CO, HC et NOx en transformant ces gaz en composés chimiques moins indésirables. Dans le cas d'un convertisseur catalytique à trois voies (tel que l'on retrouve sur les autos et motos modernes), les trois gaz en question sont traités et transformés en dioxyde de carbone (CO2), azote (N2), oxygène (O2) et vapeur d'eau (H2O).