Banc d'essai

L'héritage des Premières Nations

Publié le 19 novembre 2017 - Yves Ouellet

Sans l’aide des Innus, les premiers Européens débarqués en Nouvelle-France n’auraient jamais survécu à l’hiver. Des milliers d’années avant l’arrivée des Blancs, les Autochtones maîtrisaient l’hiver à l’aide de certains équipements dont nous profitons encore aujourd’hui.

Les équipements et les vêtements des motoneigistes ont beau avoir atteint un seuil technologique élevé, il n’en reste pas moins que plusieurs d’entre eux continuent de s’inspirer des traditions des Premières Nations.

C’est particulièrement le cas des raquettes ainsi que de plusieurs vêtements qui deviennent de plus en plus tendance.

La raquette évolue

S’il se trouve un outillage d’origine autochtone qui a évolué de façon spectaculaire, c’est bien la raquette. Une récente découverte archéologique survenue sur un glacier en Italie a permis de faire reculer l'existence de la raquette à au moins 5 800 ans. Chez nous, il est évident que les Amérindiens l'ont utilisée depuis des millénaires. Champlain est d’ailleurs le premier à en faire mention dans ses écrits.

La fameuse raquette de babiche a très peu changée avec le temps. On la trouve toujours sous sa facture originale, avec un cadre de bois de différentes formes et un treillis tressé de façon plus ou moins serrée selon l’usage et le terrain auquel elle est destinée. C’est encore cette raquette que les motoneigistes préfèrent transporter avec eux pour l’expédition hors sentier, le trappage, la chasse ou simplement pour se sortir de situations précaires.

Les Autochtones se déplaçaient en forêt durant l’hiver pour la chasse. La raquette leur était donc essentielle pour se déplacer, débusquer les animaux et transporter les prises.

Dès leur arrivée, les Européens, missionnaires, explorateurs, coureurs des bois et soldats ont adopté la raquette qui est rapidement entrée dans les mœurs. De moyen de locomotion indispensable, la raquette est devenue, à partir de 1840, un loisir extrêmement populaire, un sport d’agrément et de compétition. Jusqu’en 1960, la vogue des clubs de raquetteurs l’a emporté sur tous les autres sports, même le hockey naissant. Les Québécois ont éprouvé une véritable passion pour la raquette sportive et pour ces promenades du dimanche qui attiraient des centaines d’hommes et de femmes en costumes.

Tombée en désuétude après la révolution tranquille, elle revient en force à la fin du 20e siècle, à partir d’un nouveau concept révolutionnaire alliant métaux et matières synthétiques. Défiant les montagnes les plus escarpées et les neiges les plus profondes, la raquette est devenue une activité plein air de masse.

Pourquoi la babiche?

Steve Gros-Louis, propriétaire de Raquettes et Artisanat Gros-Louis, membre d’une famille de quatre générations d’artisans, demeure un ardent partisan de la raquette traditionnelle. C’est le père de ce dernier qui a hissé au niveau industriel la fabrication de la raquette dans la communauté huronne de Loretteville, au début des années 1970. « Une centaine d’employés travaillaient pour mon père à l’époque, principalement au laçage du panier ou au pliage à la vapeur du cadre en bois de frêne », explique M. Gros-Louis, ajoutant que même la raquette d’antan s’est modernisée avec le remplacement du cuir par le néoprène, le plastique ou le nylon. On a également ajouté un crampon sous le pied pour lui donner plus de prise en montée.

Steeve Gros Louis

Quelle est son utilité aujourd’hui? « Pour tous les amateurs de la nature, photographes, trappeurs ou chasseurs, la raquette traditionnelle à l’immense avantage d’être silencieuse. Étant faite de matériaux naturels, le bruit qu’elle émet en heurtant une branche est un son de bois sur bois qui fait partie de l’environnement sonore forestier, souligne-t-il. Avec des raquettes de métal, les animaux vous entendent venir à des kilomètres. » D’autre part, selon Steve Gros-Louis, la raquette de bois transporte beaucoup moins de neige que celle de métal puisque, lorsqu’on la soulève, le treillis en laisse échapper beaucoup plus que la surface pleine de la raquette moderne. Selon lui, il n’y aucun doute que, pour un motoneigiste, la raquette traditionnelle est préférable à celle en aluminium.

Ci-haut: l'odeur de babiche est insupportable!

À droite: un harnais simple et facile à ajuster

Les temps modernes

La raquette contemporaine n'a plus rien à voir avec la raquette traditionnelle. Tous les amateurs le savent mais une visite des ateliers du fabricant GV, à Wendake, témoigne de façon éloquente de l'incroyable

métamorphose de l'équipement qui permet de flotter sur la neige. Pour Alex Maher, directeur technique de Raquettes GV, les raquettes n’ont plus le moindre petit secret. La raquette d’aluminium n’est pas nécessairement ce que privilégient les motoneigistes, mais si on fait déjà de la raquette pour le plaisir et qu’on souhaite avoir une raquette polyvalente, le modernisme s’impose. Et si on veut des raquettes vraiment québécoises, avec une grande majorité de composantes faites ici, GV s’avère un bon choix.

Selon M. Maher, le motoneigiste ne devrait pas nécessairement choisir la raquette la plus haut de gamme. Son attention peut se porter sur les modèles d’entrée de gamme et devrait surtout être orientée vers la simplicité du harnais permettant de l’enfiler facilement et solidement en toutes conditions. Un harnais sur un pivot à bande est plus flexible, alors que le pivot à tige fixe a moins tendance à « flacoter », pour reprendre l’expression du spécialiste. Des fixations ergonomiques et des attaches à cliquet permettent d’ajuster les fixations sans effort alors que l’embout à l’avant assure de bien placer le pied à tout coup. Les modèles Nyflex Expedition et Arctic Trail répondent bien à ces critères. La White Trail est une raquette utilitaire choisie par les travailleurs en forêt et les trappeurs pour sa portance et sa résistance extrême.

Un autre modèle étonne à prime abord puisqu’il est fait d’une seule pièce de plastique moulée, assurant du coup le maximum de flottabilité. Comme les autres modèles GV, elle est garantie à vie.

GV fabrique aussi des raquettes traditionnelles et, selon Alex Maher, celles-ci ont des qualités, tel que souligné plus haut. Toutefois, pour le fabricant, la préparation, la taille et le tressage comportent de sérieux inconvénients. Les artisans se blessent souvent et s’infectent avec la solution acide utilisée pour assouplir la babiche. Quant à l’odeur de cette matière, on dit qu’elle est absolument infecte, une des pires odeurs qui soient.

Une fois séchée, la babiche est recouverte de verni marin au latex. Une opération qui peut être renouvelée régulièrement pour bien l’entretenir.

Le castor... le plus chaud

Cuir et motifs hurons

Les mitaines les plus chaudes

Depuis longtemps, la faveur des motoneigistes va aux gants plutôt qu’aux mitaines, même si nous savons tous que les gants sont infiniment moins chauds. Heureusement, les poignées chauffantes compensent pour les défauts des gants. De plus, il est vrai que l’on ne peut faire certains signaux avec des mitaines, mais le fait est que pour ceux et celles qui priorisent le confort et la chaleur, les mitaines demeurent incontournables.

L’entreprise de Steve Gros-Louis fabrique également des mitaines et il confirme que rien n’est plus calorifique que le castor. Ces énormes mitaines brunes ne manquent pas d’attirer l’attention non plus. Fabriquées à la main, elles sont toutes très durables et dotées d’une doublure de laine, de matière synthétique ou de mouton. Le mouton reste très efficace, toujours à la condition de le faire sécher chaque jour. On trouve aussi de magnifiques mitaines noires en cuir de bœuf, discrètement enjolivées de superbes motifs hurons. C’est mon choix! 

À cela, on peut ajouter les très confortables mocassins fabriqués par Bastien Industries; ils sont légers, solides et se transportent très bien. Il est infiniment plus agréable de les chausser en soirée plutôt que de se promener en chaussons ou en souliers de cuir.

La mode inuite!

Il n’y a pas plus beau, plus chaud et plus tendance que la tradition vestimentaire inuite. Et quiconque choisit d’adopter cette mode ne peut passer inaperçu.

Le Nunavik, c’est l’immense territoire inuit québécois au nord du 55e parallèle. Depuis des milliers d’années, les femmes du Grand Nord maîtrisent le traitement des peaux de phoque et de caribou, entre autres, ainsi que les techniques de couture qui leur ont toujours permis de confectionner des vêtements et des bottes parfaitement étanches et adaptées au climat extrême de l’Arctique.

Aujourd’hui, ces artisanes, qui jouissent d’une expertise millénaire, ont réussi à faire du vêtement inuit traditionnel un objet d’art, un produit de haute couture à l’avant-garde des modes.

Qu’est-ce que les motoneigistes peuvent bien trouver pour elles et eux dans la garde-robe inuite? J’opterais d’abord pour la tuque traditionnelle, un véritable étendard culturel. Elle remplace très élégamment l’éternelle calotte. Seul problème? Il faut quasiment aller dans le Grand Nord pour s’en procurer une!

Renseignements et catalogues :

Raquette et Artisanat Gros-Louis  418-842-2704

Raquettes GV  418-842-0321, sans frais : 1-866-445-7463

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