
Une puce des neiges (Hypogastrura nivicola). Photo © David E. Reed, utilisée avec permission.
C’est un bel après-midi d’hiver. Presque un redoux – il fait près de 0 °C et la neige en plein soleil fond un petit peu. Après deux heures passées dans les sentiers, vous vous arrêtez près d’un lac pour vous dégourdir les jambes. En descendant de votre motoneige, vous remarquez devant vous de nombreux petits points noirs sur la neige.
Vous n’y avez jamais vraiment porté attention avant, mais aujourd’hui, vous êtes curieux... Vous vous penchez et surprise! Ces petits points noirs bougent et sautent !
On ne s’en doute pas, mais quelques espèces d’invertébrés (insectes, araignées et crustacés, entre autres) sont actives en plein hiver, dans la neige. Et non, ce n’est pas un accident. Elles exploitent volontairement l’hiver. Parmi ces espèces, les plus communes sont les puces des neiges. Ces petits collemboles (un groupe d’animaux semblables aux insectes) n’ont rien à voir avec les vraies puces. Elles ne se nourrissent aucunement de sang, car elles préfèrent les spores de champignons et les algues qu’elles trouvent sur la neige. En fait, le seul lien que l’on puisse faire avec les puces est qu’il s’agit de très petits animaux (2 mm de long!) capables de sauts prodigieux, équivalent à près de 100 fois leur propre taille.
Contrairement au nôtre, le corps des collemboles ne produit pas de chaleur. Leur température interne dépend donc directement de celle de l’environnement. Dans un climat froid, il devrait geler; or, les collemboles restent actifs sous le point de congélation. Leur secret : avoir un corps de couleur foncée qui accumule la chaleur du soleil et produire une protéine spéciale, nommée la sfAFP, un antigel 100 % naturel. Comme les antigels que l’on met dans nos voitures et motoneiges, cette protéine abaisse le point de congélation de l’eau dans le corps de l’animal. Puisque l’eau de leurs cellules ne gèle plus, la neige n’est plus assez froide pour obliger la puce des neiges à hiberner et elle peut vivre et manger sans stress en plein hiver, pendant que ses prédateurs et compétiteurs naturels sont tous gelés. Évidemment, la protéine a ses limites et vous ne verrez pas de collemboles par temps très froid. Cherchez-les plutôt lors des redoux et en fin de saison.
Cette protéine pourrait avoir des applications intéressantes. Elle est non toxique et se dégrade rapidement à la température du corps; aussi certains chercheurs étudient la possibilité d’en injecter dans les organes et tissus destinés aux transplantations. Cela permettrait de les conserver intacts plus longtemps, car à plus basse température, de les transporter sur de plus longues distances et de réduire le risque que le corps qui reçoit l’organe ne le rejette. Certains pensent même que cette protéine pourrait servir à améliorer les propriétés de la crème glacée en contrôlant la taille de ses cristaux!
La nature est décidément pleine de surprises pour qui s’attarde à l’observer!