
Le hêtre à grandes feuilles est un arbre dit à caractère faunique en raison de ses noix comestibles qui sont de vrais délices pour plusieurs animaux : les dindons sauvages, les ratons laveurs, les gélinottes huppées, les tétras du Canada, les cerfs et… notre gros nounours. En effet, l’ours est très friand de ses fruits (appelés faînes), un gueuleton très important pour lui, car la faîne est riche en énergie.
Notre animal ne se fait pas prier pour grimper dans l'arbre pour les cueillir. Il n’est pas rare aussi qu’il s’installe sur une grosse branche pouvant supporter son poids afin de ramener vers lui des branches porteuses de faînes gorgées de saveur. Tout cet enchevêtrement de branches créé par l’animal s’appelle « chaise d’ours ».
Par contre, il existe d’autres indices qui permettent de voir si un ours a grimpé dans un hêtre. Ce bel arbre est doté d’une écorce à l'allure d'une peau d'éléphant grise et lisse, ce qui permet à l’ours de laisser des traces de griffes sur le tronc. On prétend que les marques laissées par les griffes de l’animal s’étendent à mesure qu’augmente la circonférence de l’arbre. Ceci a donné naissance à des légendes exagérées à propos d’ours géants.
Vous êtes curieux, vous aimeriez voir s’il y a des ours dans les parages uniquement en cherchant des marques de griffes sur des troncs de hêtre? Mais comment le reconnaître parmi les dizaines d’essences de bois qui vous entourent? « Encore là, le hêtre a une particularité qui permet de le différencier des autres arbres. L'hiver, le hêtre conserve ses feuilles jaunâtres qui se mettent à chanter dès que le vent se lève, un genre de titillement qu’on entend parfois en forêt », de dire Marc-André Rhéaume, directeur général adjoint de la Fédération des producteurs forestiers du Québec.

Un arbre aux nombreux usages
Le fait que le hêtre conserve sa parure l’hiver explique pourquoi certains amateurs d’arbres adorent en avoir sur leur terrain. À cet effet, il existe certains hybrides à feuillage coloré que l’on retrouve dans des pépinières. Sans compter que la noix recouverte d’un brou à épines attire les animaux et les oiseaux. Le hêtre – dont l’âge peut atteindre de 300 à 400 ans – produit beaucoup de fruits à partir de 50 ans. Il faut savoir que ses faînes sont également très bonnes à manger pour les humains; leur saveur délicate rappelle celle de la noisette ou de la châtaigne. Les autochtones avaient l’habitude d’en consommer. Durant l'hiver, ils allaient piller les caches de la souris sylvestre réputée pour amasser des réserves astronomiques. En plus, le hêtre constitue un excellent bois de chauffage.
La « onzième plaie » d’Égypte
Cependant, tout n’est pas rose pour le hêtre. Il est menacé par la maladie corticale, une maladie exotique qui a fait son apparition au Québec en 1965. « C’est une maladie envahissante et virulente qui survient lorsque les spores (semence) des champignons s'introduisent par des blessures faites à l'écorce notamment causées par un insecte comme la cochenille du hêtre », affirme Marc-André Rhéaume. Cette maladie cause aussi de nombreux impacts sur la faune, sur des espèces qui se nourrissent de la faîne du hêtre.
Par ailleurs, un arbre pousse non seulement à l’extérieur, mais aussi sous la terre. Certains arbres drageonnent, c’est-à-dire qu’ils produisent des pousses qui sortent de leurs racines et se développent à une certaine distance de la plante mère – et un drageon peut vite en produire d'autres. Donc, ce qui était un arbre isolé peut devenir petit à petit une forêt.
« La reproduction par ses noix et par le drageonnement est une protection pour cette essence. D’où l’importance pour les motoneigistes de demeurer sur les sentiers afin d’éviter de détruire ou d’écraser des arbustes et de jeunes pousses », conclut notre expert.